samedi 12 décembre 2009

Douleur néonatale: plaidoyers pour la limitation des gestes invasifs

Source : re-co-naissance

Douleur néonatale: plaidoyers pour la limitation des gestes invasifs et l'allaitement maternel

PARIS, 4 décembre 2009 (APM) - La limitation des gestes invasifs en
réanimation néonatale et la mise au sein lors de la réalisation de
gestes invasifs font partie des moyens simples à mettre en place pour
prévenir la douleur néonatale, ont plaidé deux spécialistes jeudi lors
des 16èmes journées de l'association Pédiadol sur la douleur de l'enfant à Paris.

La douleur liée aux gestes invasifs est la première cause de douleur
dans les unités de réanimation néonatale, a rappelé le Dr Dominique
Astruc du CHU de Strasbourg. Entre 10 et 17 gestes invasifs seraient
réalisés quotidiennement dans les premiers jours d'hospitalisation d'un nouveau-né, la majorité d'entre eux n'étant pas encadrés de mesures antalgiques, a-t-il ajouté.

La limitation des gestes invasifs est une composante essentielle de la
prévention de la douleur néonatale. Malheureusement, on manque d'études cliniques pour pouvoir imposer des pratiques et il n'existe donc pas de preuves solides de l'efficacité de ces mesures.

Le service de médecine et de réanimation néonatale du CHU de Strasbourg a mis en oeuvre des propositions de limitation des gestes invasifs.

D'abord, concernant les prélèvements artériels et la pose de ligne
artérielle, la mesure non invasive de la pression artérielle associée à l'évaluation hémodynamique par échocardiographie ne justifie plus la
pose de ligne artérielle, a estimé le Dr Astruc.

La pose de cathéter veineux, indispensable dans les premiers jours de
vie, doit être faite selon les recommandations, afin de permettre la
réalisation des bilans sanguins par ce cathéter. La fixation par suture sur la peau du cordon est proscrite.

En outre, le volume de sang prélevé peut être diminué, les volumes
nécessaires à l'étude de la coagulation pouvant par exemple être réduits de 1,8 à 0,5 mL, selon l'expérience du CHU de Strasbourg. Les
dispositifs antireflux sur les cathéters courts permettent aussi de
garder le même abord veineux pendant plusieurs jours, pour les transfusions ou pour les perfusions d'antibiotiques.

Le prélèvement au talon, bien que réservé à la glycémie dans ce service, reste l'un des principaux gestes invasifs, mais l'équilibre glycémique devenant plus stable après les 48-72 premières heures, la surveillance de la glycémie peut être moins systématique.

L'équipe a ainsi trouvé comme alternative de quantifier la glycosurie
par bandelette toutes les quatre heures en recueillant les urines de
manière non invasive, par des compresses placées dans la couche, et de
réaliser une glycémie lorsqu'il y a plus de deux croix de glycosurie.

La fréquence des aspirations trachéales peut aussi être diminuée, une
étude ayant montré qu'il n'y avait pas de différence sur les risques
d'infection nosocomiale ou d'obstruction de la sonde d'intubation entre une fréquence d'aspiration réalisée toutes les huit heures contre toutes les quatre heures. Cette réduction de fréquence n'est cependant pas mise
en oeuvre systématiquement dans le service et est discutée au cas par
cas.

Le Dr Astruc a également insisté sur la formation initiale des internes et du personnel paramédical, pour augmenter le taux de réussite des gestes invasifs.

L'ALLAITEMENT MATERNEL POUR SOULAGER LORS DES PONCTIONS VEINEUSES

Hélène Delgado, sage-femme au centre hospitalier Lyon-Sud, a quant à
elle présenté une petite étude évaluant l'effet de l'allaitement
maternel lors de la réalisation d'un prélèvement sanguin veineux chez un nouveau-né, et la faisabilité>  de cette approche dans le service.

L'étude menée auprès de 212 nouveau-nés allaités a utilisé une version
simplifiée de l'échelle de la douleur aiguë du nouveau-né DAN, à trois
items: pleurs ou cris, crispation au niveau du visage, nouveau-né
détendu. Le soin était réalisé après plusieurs minutes de tétée, lorsque l'enfant était détendu.

L'évaluation montre qu'au cours du soin, 77,8% des nouveau-nés
présentaient toujours une attitude détendue, 36% une crispation au
niveau du visage et 11% des pleurs ou des cris, selon le texte de la
communication.

Malgré l'absence de groupe contrôle et le fait que l'évaluation ait été faite par une seule personne, l'auteur estime que "cette étude confirme que l'allaitement maternel a un effet analgésique lors des prélèvements veineux".

Elle souligne toutefois que l'utilisation de cette méthode rencontre des freins au sein même de sa maternité car "deux ans après, très peu de soignants au centre hospitalier Lyon Sud utilisent ce moyen non
pharmacologique lors des prélèvements sanguins veineux".

Un questionnaire a été diffusé afin d'examiner les raisons de ces
freins. Il est encore en cours d'analyse mais les premières réponses
mettent en avant la peur d'être le "bourreau" face aux parents,
l'absence de protocole sur cette pratique, la méconnaissance du sujet,
la peur de ne pas gérer les pleurs de l'enfant et l'angoisse des
parents, le souci de respecter les règles d'hygiène et la peur que
l'enfant associe l'alimentation à une réponse à la douleur.

 "Cette méthode, très simple, ne requiert pas de moyens humains ou
financiers supplémentaires, ni davantage de temps (...). Aujourd'hui, il convient de s'interroger sur la manière de rendre accessible cette
pratique à tous les soignants et de leur donner confiance pour lever
toutes ces peurs et appréhensions", conclut Hélène Delgado.

Ces moyens simples sont d'autant plus important que la douleur du
nouveau-né peut avoir des conséquences à long terme, aussi bien sur les réponses ultérieures à la douleur que le développement comportemental et cognitif de l'enfant, comme l'a souligné le Pr Ricardo Carbajal, de l'hôpital d'enfants Armand Trousseau à Paris (AP-HP), à la lumière d'une revue de la littérature scientifique qu'il a présentée lors de cette réunion.

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