mardi 21 avril 2009

Interview presque imaginaire du mois de mars 2009

Source : déchainées.com



Selina Kyle reçoit Laurent Brunel et Fred Rienemann, gynécologues obstétriciens Français

SK : Nous n'avons toujours pas de Maisons de Naissance en France, hormis la MdN "Accouche comme chez toi" ouverte en Alsace par le Pr Nuisant. Il semblerait néanmoins, selon certaines rumeurs, que les choses soient amenées à bouger, mais à l'intérieur de l'hôpital. Il s'agirait en effet de dissuader les femmes d'accoucher chez elles. Est-ce vrai ?

FR : Tout à fait. Et il me semble qu'il commence à y avoir urgence...

SK : Alors, Messieurs, si la plupart des femmes accouchent sans problèmes, l'accouchement en Maison de Naissance devrait leur être accessible, non ?

FR : Oui, tout à fait ! C'est ma conviction profonde et c'est la raison pour laquelle j'ai décidé de me battre pour l'existence de Maisons de Naissance au sein de nos maternités.

SK : J'ai lu un de vos papiers sur le sujet et j'ai été surprise par les critères d'exclusion que vous souhaitez appliquer. Très peu de femmes pourront dès lors accéder à ces espaces de moindre médicalisation. Pourquoi être aussi strict alors que les Maisons de Naissance existant à l'étranger ont de très bons résultats tout en étant plus accessibles ?

FR : Mais nous ne voulons pas faire aussi bien que les autres en matière de chiffres : nous voulons faire mieux ! C'est ça, l'excellence Française.

SK : Monsieur Brunel, vous êtes quant à vous farouchement opposé à ce type d'expériences. Pouvez-vous nous dire pourquoi ?

LB : Mais parce que c'est dangereux, que ça coûte cher et que c'est chiant à mettre en place ! Vous ne vous rendez pas compte ! Devoir travailler avec des gens sans avoir un droit de regard sur leurs pratiques, c'est tout bonnement inacceptable !

On se récupère des merdes qui sont le résultat d'absence de méthodes de travail, une sorte de contemplation hippie devant les miracles de mère nature, et quand ça tourne au cauchemar, on nous refile le bébé (et sa mère) en exigeant notre disponibilité à ce moment là, quand ce n'est pas notre sourire !

FR : T'exagères, Laurent. Avec la liste de critères d'exclusion qui est la mienne, on limite vachement les risques...

LB : Peut-être. Mais on a suivi les mêmes cours à la fac, tu sais bien que tous les accouchements sont à risque. Il faut anticiper, prévenir, réagir rapidement. Et pour ça, il faut des gens qui ont l'habitude de faire face à des situations pathologiques et qui disposent des compétences requises pour intervenir !

FR : C'est pour ça que j'ai prévu pour les Maisons de Naissance des protocoles communs avec ceux de la maternité ! Les sages-femmes ne vont pas être libres de faire n'importe quoi ! Et en cas de problèmes avec l'une d'elles, on la vire. Si c'est un soulèvement collégial, on ferme la MdN ! Je ne vois pas ce qui te fait peur : on reste maître chez soi tant que ces espaces physiologiques sont à l'hôpital.

SK : A ce propos, n'était-il pas prévu qu'une des spécificités de la Maison de Naissance soit, comme à l'étranger, la totale indépendance, autonomie et responsabilité des sages-femmes vis à vis de leur façon de travailler ?

FR : Attendez, faut pas tout mélanger ! Ce sont des structures situées à l'extérieur de l'hôpital. Personnellement, je suis un peu comme Laurent sur ce point, je me sens responsable de ce qui se passe dans mon service, même si c'est à l'étage du dessus !

Il y a d'ailleurs une manière très positive de l'envisager : les sages-femmes peuvent en effet s'investir totalement dans nos projets de MdN hospitalières. Elle sont chaleureusement invitées à définir les modalités de prise en charge, mais selon nos directives. Ca va leur faciliter le travail !

Pour les critères de sélection, on a été gentil : on les a rédigés à leur place. Au moins, elles sont sûres qu'on ne va pas pinailler sur ce point ! Gain de temps assuré : pas de tergiversations sur des cas particuliers. On dresse une liste avec des petites cases qu'on coche et on sait si telle patiente peut accoucher en MdN ou pas !

En plus, avec ce modèle, les remises en question en cours de grossesse ne vont que dans un sens : celui du transfert vers une prise en charge classique au sein de la maternité ! Donc plus de sécurité ; on écrème encore un p'tit coup ! De bonnes pouliches bien prometteuses au final ! On devrait avoir de bien meilleurs chiffres que les Allemands !

LB : Parlant de chiffres, t'as pas lu les miens ? On a des études qui montrent des taux de transfert hallucinants et un taux de mortalité périnatale plus élevé pour ces espaces là.

FR : Arrête ton char, Laurent ! T'as payé qui pour te les refiler ces chiffres ? J'suis mort de rire ! On a une floppée de chiffres qui vont dans le sens contraire ! Je suis sûr que c'est biaisé de partout et que tu le sais !

SK : A ce propos, je me permets une réflexion. Il est curieux, Monsieur Brunel, que pour critiquer la qualité des Maisons de Naissance, vous utilisiez des études relatives à des pôles physiologiques.

Toutes ces structures sont intégrées à une maternité, la plus éloignée étant située à 20 mètres des salles d'accouchement classiques ! Il n'y a pas d'accompagnement global, on ne sait rien du degré de motivation des futures mamans, les sages-femmes sont toutes hospitalières et certaines travaillent dans les deux services : classique et MdN...

Bref, on est très loin du concept original de la Maison de Naissance, vous en conviendrez !

LB : D'accord, mais c'est juste pour prouver que faire de la physiologie c'est pas bien. Et que de confier ça à des gens qui travaillent n'importe comment, avec leurs histoires de retour au naturel, c'est pire.

Je ne vous parle pas du profil des femmes qui veulent ce genre d'accompagnement. Autant les coincer avec une prise en charge classique. Laissées à leurs divagations, on ne peut plus les contenir ! Et vas y que je veux boire, et vas-y que je refuse une voie veineuse, et vas-y que je refuse le monito... On va où là ? !

FR : C'est dingue ce que tu peux être flippé toi ! Tu bosses où déjà ?

LB : M'en parle pas...

SK : Vous savez que le Pr Nuisant, pionnier en matière de Maisons de Naissance, a contribué à ce que l'une d'elles soit ouverte au bord du Rhin. Ne croyez vous pas que c'est plutôt vers cela qu'il faut se diriger pour répondre à la demande des femmes qui veulent vivre pleinement leur accouchement accompagnées par la / les personnes de leur choix, au sein de Maisons de Naissance situées à l'extérieur de l'hôpital ?

FR : Stop, stop... Ca, c'est du ressort des sages-femmes. Nuisant s'en est mêlé car il est Président du MLFSF (Mouvement de libération des femmes et des sages-femmes, ndlr). Maintenant, il faudrait peut-être que ces femmes et ces sages-femmes se bougent, s'émancipent et se lancent dans l'aventure pour créer ce qu'elles veulent.

Ne demandez pas à des gynécologues de monter des Maisons de Naissance telles qu'elles existent à l'étranger ! Nous (enfin, je veux dire moi, pas Laurent) on veut bien essayer de copier au mieux le modèle pour l'intégrer à l'hôpital. Mais c'est tout ce qu'on peut faire !

LB : Ouais, parle pour toi. Moi j'ai plein de potes qui sont pas de ton avis. Ca va être un gros bordel dans nos services si on les ouvre, tes Maisons de Naissance. Tu vas voir, tu penses tout maîtriser mais ça va finir par t'échapper tout ça !

FR : Mais non, enfin. J'ai même prévu des séances de formation continue communes pour recadrer les éléments retors et bien les remettre en contact avec les vrais risques de la naissance et les bonnes méthodes de travail. Relax, mec. Détends-toi...

Et surtout, pense à toutes ces sages-femmes libérales qui seront occupées à faire des accouchements dans nos MdN hospitalières au lieu d'officier à domicile ! Tous ces parents écolos baba cool qu'elles vont faire rappliquer dans nos locaux ! Ca fera autant de femmes et de bébés en meilleure sécurité !

SK : Monsieur Rienemann, vous faites le constat de 70% d'accouchements normaux, malgré certains facteurs de risque identifiés au début de la grossesse. Pourquoi ne pas offrir la possibilité à davantage de femmes, dont la grossesse se déroule bien malgré un de ces facteurs, d'accoucher en Maison de Naissance hospitalière ? D'autant qu'elles seront juste à côté du bloc obstétrical...

FR : Oui, oui, actuellement ces 70% de femmes subissent une prise en charge qui s'avère a posteriori inutilement surmédicalisée. J'ai dit que cela était. Je n'ai pas dit que je voulais que ça change pour l'ensemble de ces femmes !

Le but, ce n'est pas de faire plaisir aux femmes, c'est d'avoir de bons résultats ! Sur ce point, je partage l'avis de mon confrère ici présent : le degré de satisfaction des femmes, la baisse du nombre de césariennes, d'extractions instrumentales et d'épisiotomies, ce sont des bénéfices négligeables. Ce qui compte, ce sont les taux de mortalité périnatale, même si on ne garantit rien concernant l'état du bébé qu'on a sauvé...

SK : Quand même, une femme de 38 ans n'est pas éligible à un accouchement en MdN hospitalière selon vos critères... Pourquoi ?

FR : Au dessus de 35 ans, on entre dans la catégorie à haut risque. C'est comme ça. Classification de l'obstétrique Française. En moyenne, y a plus de problèmes. Donc on évite.

C'est comme les pauvres, les femmes seules, les femmes subissant des violences conjugales, les fumeuses (on s'en fout du nombre de clopes qu'elles grillent), etc. On les écarte d'emblée : statistiquement, il est établi qu'elles posent plus souvent problème. Nous, on veut de bons chiffres. Les histoires de suivi global, on s'en tape un peu. Trop compliqué, trop aléatoire à mon goût.

SK : Et elles feront comment, toutes ces femmes dont la grossesse va se passer physiologiquement mais à qui vous refuserez un accouchement en MdN hospitalière alors que c'est ce qu'elles souhaitent ? Ca compte, non, la motivation des femmes ?

FR : Elles n'auront qu'à aller accoucher en MdN Allemande, si elles en ont les moyens. Ah, ça fait rigoler Laurent, ça...

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